Statuettes Pende

Il y a quelques mois, les collections du Grand Curtius se sont enrichies d’un ensemble de 19 statuettes d’origine africaine. Celles-ci nous ont été données par Mme Anne David-Dehasse de Liège. Ces petites figures habillées de raphia ont été acquises vers 1970 au Congo (aujourd’hui République démocratique du Congo), dans la région des plateaux Bateke.

Les sculptures étaient accompagnées de feuillets manuscrits indiquant le nom de chaque statuette et leur rôle supposé en cas d’invocation. Pour notre œil occidental, ces objets à la fois sympathiques et inquiétants, se rangent de prime abord dans la catégorie des fétiches, avec ce que cela sous-entend en terme   de pratiques magiques. Il n’en est rien cependant : il s’agit là de productions à caractère touristique. On ne saurait pour autant les négliger car il pourrait s’y trouver la représentation d’un masque1 dont on n’a pas conservé de spécimen ou d’illustration. Les sculptures sont réalisées en bois (musumba ndambi ?) et reposent sur un socle teinté dont la base est grossièrement équarrie. Le vêtement est confectionné en fibres de raphia tressées, barré de rayures horizon- tales noires ; les poignets, les chevilles, le cou aussi sont soulignés de collerettes de raphia. Si le costume est partout identique, les têtes sont toutes différentes quoique presque invariablement affublées d’yeux tubulaires protubérants.

Le lieu de collecte de ces statuettes ne renvoie pas à l’art des Teke qui peuplent les plateaux Bateke mais bien plutôt à celui des Pende. Le territoire des Pende  se trouve dans la partie Sud-Ouest de la République Démocratique du Congo. Originaires d’Angola, les Pende se sont établis de part et d’autre de la rivière Loange au 18e siècle. Sur le plan culturel, les ethnologues distinguent 3 groupes au moins : les Pende de l’Ouest ou du Kwilu, établis à l’Ouest de la rivière du même nom ; les Pende du centre, entre les rivières Kwilu et Loange, enfin ceux de l’Est entre les rivières Loange et Kasaï. Les masques peuvent différer en forme et sens selon les groupes.

Les masques présentés ici sont apparentés au type Minganji (ou Munganji) qui se distinguent par leurs yeux proéminents. Ces yeux expriment la colère chez les Pende. Un type particulier de Minganji est présent ici à deux reprises : le masque circulaire Gitenga, dont la forme est un hommage au soleil couchant. Le masque est réalisé en vannerie le plus souvent ; de rares exemplaires sont en bois. Ils s’ornent de couleurs vives et sont souvent bordés de plumes. Une autre figurine évoque le masque d’initiation Kipoko.

Les Minganji, incarnation des esprits, interviennent à diverses occasions dans la  vie  des  Pende  ;  on les associe le plus souvent à la période d’initiation (lemukanda)àlaquellesontsoumislesjeunesgarçons. Les Minganji ont un rôle de « police », protégeant le camp d’initiation des intrus. En règle générale, le Minganji fait peur, il divise, sème le chaos et parfois la violence. À l’inverse, l’autre grand type de masque, le Mbuya, est un masque de fête, de réjouissances.

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(1) Le terme de « masque » est ici compris à la manière des ethnologues : il ne désigne pas seulement la parure de tête mais il englobe l’ensemble du costume et la gestuelle du porteur lors des sorties de masques ou mascarades.

Philippe Joris, 
Conservateur du département des Armes

Légende illustration : 

Masques Minganji près de Gungu, Congo ; parmi eux, un Gitenga. 

Photo Eliot Elisofon, 1970 EEPA EECL 4232 Eliot Elisofon Photographic

Archives National Museum of African Art Smithsonian Institution