Christ ressuscitant - Bozzetto en terre cuite





Bozzetti : aux origines de la création
En sculpture, le dessin ne constitue pas toujours l’étape initiale du processus créatif. Certains sculpteurs, plus familiers et plus sensibles au volume qu’à la surface plane du papier, préfèrent s’exprimer directement avec leurs mains.
Pour eux, modeler la terre ou la cire devient un moyen plus naturel et plus immédiat de donner forme à une idée. Ils créent alors de petites maquettes en trois dimensions - appelées bozzetti - qui tiennent lieu de croquis, mais en relief.
Ces esquisses ne sont pas de simples essais techniques. Elles concentrent souvent l’essentiel de la pensée plastique de l’artiste : proportions, mouvements, jeux d’ombre et de lumière. Leur spontanéité, leur énergie parfois brute, captent une fraîcheur qui peut s’émousser dans l’œuvre définitive, plus lisse, plus contrôlée.
À la frontière entre outil de travail et objet d’art, le bozzetto permet d’entrer au cœur du processus créatif, là où naissent les premières formes. On y observe souvent des traces physiques du geste de l’artiste : empreintes de doigts, marques laissées par l’ébauchoir ou la mirette, au moment où la terre est encore malléable. Certains bozzetti présentent un état de surface très abouti, proche d’une œuvre finie, tandis que d’autres gardent un aspect plus sommaire, plus brut.
Bernini, maître du baroque romain, en a fait un usage abondant. Nombre de ses maquettes en terre montrent à quel point l’ébauche peut déjà contenir la tension dramatique, l’élan du geste, le souffle théâtral de ses grandes sculptures. Cette manière de faire n’est pas restée confinée à l’Italie. Jean Del Cour a lui aussi adopté cette méthode. Influencé par Bernini, il a rapporté à Liège ce goût pour le modelage préparatoire.
Une fois l’esquisse en trois dimensions finalisées, le sculpteur dispose d’une vision claire et structurée de son projet. Ce modèle préliminaire lui permet de valider les proportions, les volumes et la composition générale de l’œuvre, tout en laissant une certaine liberté pour d’éventuelles modifications. Ce n’est qu’après cette étape cruciale de préparation que l’artiste peut entamer la réalisation de l’œuvre finale, à échelle réelle, dans le matériau définitif choisi, qu’il s’agisse de marbre, de bronze, de bois ou de pierre. Ce passage du modèle réduit à l’œuvre monumentale requiert non seulement une grande maîtrise technique, mais aussi une capacité à transposer fidèlement l’intention artistique initiale dans un format beaucoup plus imposant et souvent plus exigeant.
Bozetto du Christ ressuscitant
Ce bozzetto du Christ ressuscitant présente un dynamisme saisissant, caractérisé par le mouvement tourbillonnant du drapé et l’attitude torsadée du corps, qui traduisent parfaitement l’esthétique baroque et suggèrent un élan ascensionnel, en écho à l’élévation triomphale du Christ au moment de sa résurrection. Le visage exprime une intensité émotionnelle marquée : la bouche entrouverte et l’inclinaison de la tête révèlent une certaine tension spirituelle. La modélisation fluide de la matière, notamment dans le traitement virtuose des plis du drapé, témoigne d’une maîtrise remarquable du modelage, conférant à l’ensemble une impression de mouvement vivant et de présence palpable.
La Ville de Liège possède dans ses collections un nombre important de bozzetti de sculpteurs baroques. La majeure partie de cette collection regroupe des œuvres de Jean Del Cour et se complète par d’autres de Cornélis Vander Veken et Jean Hans.
Cet ensemble unique a pu bénéficier du soutien du Fonds David-Constant pour des traitements de conservation-Restauration.
Une première campagne de restauration en 2007 suivie d’une seconde en 2017 ont permis de restaurer pas moins de 38 bozzetti.
Christophe Remacle
Conservateur-restaurateur / Musées de la Ville de Liège
L'objet du mois en vidéo
Emplacement de l'exposition
Les objets sont visibles dans la vitrine de l'objet du mois. Hall d'entrée du musée Grand Curtius à Liège.
Jean Del Cour
Hamoir, 1631 – Liège, 1707
Christ ressuscitant
Bozzetto - Terre cuite
Inv. GC.ADC.02f.0000.68645
Propriété de l’Institut Archéologique Liégeois
Copyright des photos : Ville de Liège - Grand Curtius