Quand un Ysaÿe en cache un autre

En ce mois de mars 2015, nous évoquons la figure de Théo Ysaÿe dont on célèbre le 150e anniversaire de la naissance. Le 2 mars 1865, Théophile vient au monde dans des circonstances particulières : sa mère, qui se rend en diligence à Liège pour y accoucher, doit subitement faire halte dans un relais à Verviers où elle met au monde son troisième fils. La sage-femme s’écrie : « Nicolas (prénom du père), encore un violoniste de plus ». Et bien non, ce sera un pianiste.

Contrairement à ses deux frères, Joseph et Eugène Ysaÿe, Théo ne bénéficie pas d’une robuste constitution. Doté d’un physique frêle et d’une santé précaire, il ne peut suivre la cadence des tournées imposée par Eugène et est remplacé par Raoul Pugno (1852 - 1914) comme accompagnateur. En 1876, Théo entre au Conservatoire de Liège ; les débuts ne sont guère prometteurs, mais trois ans plus tard, Théodore Radoux (1835 - 1911) qui suit de très près les progrès des élèves aura ces mots : « Toujours les plus grandes promesses pour l’avenir ».

Depuis 1879, Eugène Ysaÿe est à Berlin au Konzerthaus de Benjamin Bilse (1816 - 1902). Voulant assurer l’existence et l’éducation musicale de son frère, il l’appelle à ses côtés en 1881. Théo suivra encore son frère à Paris en 1885. Après quatre ans passés dans la capitale française, il est nommé professeur de piano à l’Académie de Musique de Genève en 1889. Pendant dix ans, il fait partie de cette Académie où ses qualités techniques et pédagogiques très appréciées lui permettent de former toute une pléiade d’excellents pianistes. En 1891, il reçoit ce bas -relief en bronze, réalisé par Paul-Maurice Dubois (1859 - 1938), avec la dédicace : « A Théo Ysaÿe, 1891, Au brave ami, Au rude artiste ».

Puis vient le tour de « La Libre Esthétique », qui présente de 1894 à 1914 un vaste champ artistique ouvert à toutes les initiatives tant musicales que picturales. Eugène Ysaÿe y est directeur des concerts pendant neuf ans. Théo y collabore comme pianiste. Au cours de ces séances, Théo a l’occasion de jouer en soliste. Il est une œuvre qu’il exécute particulèrement bien : les Variations symphoniques de César Franck (1822 - 1890). C’est lui qui crée les Variations pour Franck au plus grand bonheur de celui-ci. Le nom d’Ysaÿe est étroitement associé à celui de César Franck tant leur collaboration et leur amitié furent intenses.

La carrière des pianistes virtuoses est épuisante et la santé du musicien décline ; pendant la guerre, Théo se retrouve à Londres où le climat ne fait qu’aggraver sa maladie de poitrine et il doit quitter la capitale anglaise pour Nice où il meurt le 24 mars 1918.

Outre le Quintette pour corde et piano op. 5 et les Variations Symphoniques, Théo compose bien d’autres oeuvres dont certaines ne sont malheureusement pas éditées et encore moins interpretées.

Théo Ysaÿe debout (au centre), en compagnie de ses frères Joseph (à gauche) et Eugène (à droite) et de son père Nicolas en 1899

Théo Ysaÿe debout (au centre), en compagnie de ses frères Joseph (à gauche) et Eugène (à droite) et de son père Nicolas en 1899

Bibliographie :

Théo Ysaye, Pianiste et Compositeur (1865 - 1918), Liège, Éditions de la revue « La vie wallonne », 1964.

Merci à la Bibliothèque du Conservatoire de Liège pour le prêt des partitions des Variations symphoniques et du Quintette à clavier.