Une boîte de Spa «malmédienne»
Joseph Barthélemy Longrée (1789-1858), peintre
Boîte de jeu en bois de Spa, entre 1817 et 1826
Gouache sur bois pour le coffret et les petites boîtes, os peint pour les jetons
2016/LP/145
Don de Paulette et Louis Pironet, 2017
À l’époque de la grande vogue des bois de Spa, les jeux de société étaient un passe-temps apprécié et le quadrille connaît un grand succès dans toute l’Europe du 18e siècle. Il s’agit d’un jeu de cartes par levées pour quatre joueurs, avec enchères pour fixer le nombre de levées à réaliser. La boîte de Spa à quadrille est en fait un coffret rectangulaire contenant quatre petites boîtes de même taille et facture, l’ensemble étant destiné à recevoir les éléments du jeu : les jetons de forme ronde, les cartes, les fiches et les contrats, ces deux-ci étant les marques de jeu de forme rectangulaire. Cette boîte de jeu est une curiosité, puisqu’elle est décorée non de vues spadoises, mais d’une ville voisine, Malmedy, dont les cinq sites représentés ont aujourd’hui disparu.
Le couvercle du coffret représente le parc de Mon-Bijou, crée par l’industriel et philanthrope Jean Hubert Cavens le long de l’avenue qui porte aujourd’hui le nom du parc disparu, à la sortie de Malmedy en direction de Waimes. La vue montre sur la droite un ensemble harmonieux formé par un bâtiment de style néo-classique flanqué de deux grandes statues sur piédestal, de deux obélisques et de deux petits temples classiques abritant chacun un bas-relief. Sur la gauche est installé un tourniquet sur un mât, pour l’amusement des enfants. Devant se situe un étang alimenté par une dérivation de la Warchenne qui coule sous le pont dont on voit une arche au pied des rochers. Des promeneurs élégants circulent dans le parc d’agrément et devant la grille conversent deux militaires dont les uniformes semblent prussiens.
Sur la partie gauche de la vue, s’élève la façade ocre du moulin à farine de style Louis XVI que Cavens fit construire en même temps que la création du parc. On aperçoit la chute d’eau de la roue à aubes. En 1826, Cavens fit élever au sommet du parc une tour carrée qui servit d’habitation au jardinier. Comme elle n’est pas représentée ici, nous pouvons conclure que la boîte a été réalisée entre 1817, date d’achèvement du parc, et 1826.
Avec la création du parc, Cavens fit également construire, de l’autre côté de la chaussée, trois dépendances. La vue de la ferme sur la petite boîte est prise depuis le parc de Mon-Bijou dont on voit à l’avant-plan la grille qui l’entourait. Il s’agit d’un long bâtiment en briques rouges, une porte cochère centrale et un toit en ardoises.
Sur la deuxième petite boîte s’élève la façade du pavillon de Bagatelle de style néo-classique, avec son nom inscrit sur le frontispice, en majuscules arrondies. Exemple caractéristique des « folies » appréciées au 18e siècle, Cavens bâtit cette maison de campagne à environ cinq km de Malmedy, à la croisée des chemins vers Waimes et Thirimont. Par la suite, Cavens, qui était aussi un important éleveur de bétail, fit construire, en face du pavillon de Bagatelle, une vaste bergerie avec maison d’habitation.
La troisième boîte montre qu’un parc s’étendait devant la bergerie, dans lequel des personnages endimanchés se promènent sur des sentiers sinueux.
La dernière boîte révèle le pavillon du Châtelet, dont il n’y a plus de trace de nos jours. Il pourrait cependant s’agir d’un bâtiment que Cavens fit construire vers 1800, connu sous le nom de Punctum, au début de la rue Malgrave. La désignation du bâtiment vient de l’inscription qui figurait sur la façade : OMNE TULIT PUNCTUM QUI MISCUIT UTILE DULCI (« Il fait l’unanimité celui qui joint l’utile à l’agréable »). Au fil des ans, l’inscription de la façade a fini par s’effacer et seul a subsisté le mot PUNCTUM, par lequel les Malmédiens ont couramment désigné le bâtiment.
Les cinq sites semblent donc avoir appartenu au même propriétaire, Jean Hubert Cavens (1762-1833). Conscient de la misère qui régnait à partir des années 1814, il occupait les ouvriers sans travail dans la construction et l’entretien de ses domaines. Ces lieux devenaient des buts de promenade que les Cavens ouvraient généreusement le dimanche à tous les Malmédiens.
On sait que Cavens est décédé à Spa, souffrant de problèmes de rhumatismes. On peut donc supposer qu’il venait régulièrement prendre les bains dans la ville des Bobelins. De là à imaginer qu’il commanda auprès de l’un des miniaturistes spadois renommés une boîte de jeu, décorée de ses plus belles propriétés, il n’y a qu’un pas à franchir.
D’après un texte de Louis Pironet, complété par Carmen Genten Conservatrice du Département des Arts décoratifs
Bibliographie
Louis Pironet, Une boîte de Spa « malmédienne », dans Histoire et Archéologie spadoises, Bulletin trimestriel, Villa royale Marie-Henriette, Spa, mars 2011, p. 24-36.
Galerie photos - dans l'ordre d'apparition
1) Couvercle du coffret Parc Mon-Bijou
2) Ferme Mon-Bijou
3) Pavillon Bagatelle
4) Coffret
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