Antonio Gasbarrone
Ce tableau est entré dans les collections du Musée suite à une donation en 2016. Sans signature et non daté, une inscription – « Gasparoni le brigand romain âgé de 43 ans né sur les terres de Louis-Bonaparte et actuellement prisonnier dans la forteresse de Civita-Vecchia à 14 lieues de Rome » – permet toutefois d’en identifier le personnage principal, sur lequel repose tout l’intérêt du tableau.
Antonio Gasbarrone (aussi connu sous le nom d’Antoine Gasparoni ou Gasbaroni) est né en 1793 à Sonnino, dans les états Pontificaux (entre Rome et Naples). Après avoir commis un premier meurtre, il devint brigand et puis, à partir de 1814, chef de sa propre bande. Gasbarrone opérait dans les régions montagneuses situées entre les états Pontificaux et le royaume de Naples, soit au sud du Latium et au nord de la Campanie actuels. Le principal modus operandi consistait à enlever de riches voyageurs et à exiger des rançons pour leur libération, ce qui, à en croire les Mémoires de Gasbarrone, ne se déroulait pas toujours comme prévu.
Par exemple, en 1822, la bande de Gasbarrone enleva un colonel autrichien, pour lequel on réclama une rançon de 20 000 écus. Le général auquel le montant était exigé, stationné à Naples, envoya plutôt 20 000 soldats pour traquer les brigands. Face à la menace, Gasbarronne se montra rusé et fit mettre à ses hommes des rubans blancs sur leur chapeau, signe distinctif des troupes de la force bourgeoise napolitaine avec lesquelles les soldats autrichiens confondirent les brigands. Sorti d’affaire, il libéra le colonel, sans avoir toutefois touché de rançon. Apparemment ce dernier conserva un bon souvenir du brigand, assez pour lui avoir envoyé de l’argent en 1834 lorsque Gasbarrone fut emprisonné à Civita-Vecchia.
Dupé par un vicaire, Gasbarrone fut arrêté à Rome en 1825 et détenu dans plusieurs forteresses, dont Civita-Vecchia et Civita-Castellana. Gracié en 1870 par le gouvernement après l’unification de l’Italie, il mourut en 1882 à l’âge respectable de 88 ans.
La vie de Gasbarrone nous est surtout connue grâce à un ouvrage, « Mémoires de Gasbaroni célèbre chef de bande de la province de Frosinone », rédigé par Pietro Masi, un brigand de sa bande qui fut emprisonné avec lui. Paru en 1867, ce livre aurait été écrit dans un « mauvais français, avec des tournures et des locutions
italiennes », puis retravaillé par un officier français qui aurait rencontré Gasbarrone et Masi à Civita-Castellana. Avant cela, Gasbarrone semblait déjà avoir une certaine renommée de l’autre côté des Alpes, car il est mentionné dans Le comte de
Monte-Cristo (paru en 1844-1846). Stendhal le mentionne aussi dans Pages d’Italie (publication posthume) et lui attribue 143 assassinats.
Son crâne est actuellement conservé au musée d’anthropologie criminelle Cesare Lombroso, à Turin, ainsi que les habits qu’il portait le jour de son arrestation et son fusil. Il existe d’autres portraits de lui, dont un conservé au British Museum et un autre à Sonnino, son village natal.
Emma Servonnet,
Stagiaire en muséologie (Université de Montréal)
© Photos : Museo di Antropologia criminale Cesare Lombroso
Silvano Montalbo, Direttore scientifico