Médaille militaire française - Croix de guerre 1914-1918

Médaille militaire française - Croix de guerre 1914-1918 - Donation de Monsieur Marcel Rosemboom

Collection du département des Armes - en cours d’inventaire

Médaille attribuée à Monsieur Jean Rosemboom, architecte résidant à Herstal, en hommage aux informations qu’il a fournies au service de renseignement français durant la guerre 1914-1918. Les actes de patriotisme de Monsieur Rosemboom sont relatés par Monsieur André Lugen dans un rapport détaillé, qui accompagnait la médaille et qui a été remis à sa famille. Le texte nous apprend que Monsieur Lugen est un agent des services de renseignements français qui a œuvré avec Monsieur Rosemboom à établir les plans des travaux de fortifications entrepris par les allemands, à surveiller les mouvements des trains de l’ennemi et à transmettre des renseignements d’ordre général. Les deux hommes ont été arrêtés et emprisonnés sur dénonciation pour ces faits. Ce rapport n’est pas daté ; il n’est identifié par aucune marque officielle. Des recherches sont actuellement en cours afin d’en déterminer la provenance exacte et ainsi permettre son authentification.

Marcel Rosemboom, le donateur de la médaille, est le petit fils de Jean Rosemboom.

N.B. : Dans le rapport, le nom ‘Rosemboom’ est orthographié ‘Rosenboom.’ Il semblerait que la personne chargée de la retranscription des événements ait mal orthographié ce nom.

Loïc Servais - Conservateur – Département des Armes

Avis et considérations de Monsieur André LUGEN sur sa collaboration avec Monsieur Jean ROSENBOOM, Architecte à Herstal (Liège) au Service de Renseignements – 2e Bureau Français – Service de Commandant BELIARD

Lorsqu’au début de décembre 1914, je fus envoyé de Maestricht à Liège pour y prendre la direction du service en Belgique occupée, M. Jean ROSENBOOM, Architecte à Herstal (Liège) né à Hermalle s/Argenteau le 8 août 1878, voulut bien continuer à collaborer avec moi au service auquel il appartenait déjà avant mon arrivée en Belgique.

L’enquête à laquelle je me suis livré (à ce moment) révéla que M. ROSENBOOM avait déjà, dès les premiers jours de la guerre, fait preuve d’un patriotisme des plus noble et désintéressé en participant, à la demande des Autorités communales (locales), en collaboration avec la population civile et l’Armée belge, à opposer une âpre résistance à l’envahisseur.

Après la chute de la position de Liège, M. ROSENBOOM, muni de nombreux renseignements relatifs aux premiers travaux effectués par les Allemands pour consolider leurs positions, se rendit à Anvers où, après avoir été en rapport avec le Colonel LOPPENS du 9e Régiment de ligne, finit par être dirigé sur le Quartier Général Belge à Lierre où il fut mis en rapport avec le Major CHRISTOPHE de l’Etat Major auquel il fait rapport verbal et fut chargé de rentrer à Liège pour y continuer ses investigations. M. ROSENBOOM se procura des cartes de l’Etat Major et commença ses travaux de relèvement des divers travaux exécutés tant aux environs qu’aux forts de la position de Liège.

La chute d’Anvers et la perturbation qui s’en suivit fit que la liaison entre le Quartier Général Belge et M. ROSENBOOM ne fut pas maintenue. Ne voulant pas rester sans liaison avec l’armée, M. ROSENBOOM se rendit en Hollande mais le manque de cohésion entre les différents services en formation décida M. ROSENBOOM à entrer en rapport avec le Service Français voulant absolument se rendre utile à la Cause Commune.

M. ROSENBOOM entra en rapport avec ce dernier service par l’intermédiaire de son collègue SAUVEUR qui en ce moment était à la section de Maestricht.

Mon arrivée en Belgique n’entraina non seulement une réorganisation complète mais une mise sur pied d’un service qui fut nettement divisé en deux, c’est-à-dire la surveillance des mouvements de trains de l’ennemi (sur tous les points de passage et croisements) et la relève des travaux de fortifications exécutés par l’ennemi ainsi que par les Renseignements d’ordre général.

M. ROSENBOOM ne continua pas non seulement pas de s’occuper activement de la mise sur plan des travaux susmentionnés mais me fut d’une grande utilité pour recruter des agents fixes pour l’observation des mouvements des trains tels que la famille NOIRFALIZE de Chênée dont le père fut fusillé. M. ROSENBOOM renseignait les gens louches qui passaient la frontière pour se rendre au front et reçut des félicitations à ce sujet de Folkestone.

La collaboration entre M. ROSENBOOM et moi fut très étroite et, ayant fait mon service militaire à l’Artillerie de Liège et connaissant les différents forts, j’ai souvent accompagné M. ROSENBOOM pour préciser des indications relevées par lui. Il va sans dire que des observations du genre dont s’occupait mon collaborateur n’étaient pas sans danger et je me rappelle qu’un jour pendant l’une de nos tournées, aux environs du fort de Pontisse, nous avons été obligés d’expliquer notre présence dans un abri bétonné par une opération qu’on ne fait ordinairement que dans des endroits discrets (ce cas s’est représenté plusieurs fois).

Bref, j’ai souvent été obligé de rappeler à l’intéressé d’être prudent dans ses investigations.

Lors de l’arrestation de M. ROSENBOOM, une grande partie du secteur de la rive gauche de la Meuse était mise au net avec des précisions que je me réserve de signaler plus loin.

Indépendamment de ce travail, l’intéressé mettait au net divers croquis et autres relevés que je lui remettais et m’aidait sérieusement en toute circonstance.

ARRESTATION :

L’arrestation de M. ROSENBOOM a été provoquée par une dénonciation de Mademoiselle MICHAUX. Au début de février 1915, M. ROSENBOOM me soumit une partie du travail achevé et destiné à être acheminé au Bureau central (Folkestone). L’importance et le volume de ce travail recommandait la prudence et ne pouvant confier cet envoi à mes courriers ordinaires, il fut entendu que M. MICHAUX, beau-frère de M. ROSENBOOM, nous trouverait un batelier allant en Hollande et qui ferait passer les documents. MICHAUX dénoncé pour fraude de lettres et de journaux prohibés (à notre insu) reçut la visite de la Police allemande qui, lors d’une perquisition, trouva notre enveloppe prête à partir. J’ignore si MICHAUX a dénoncé ROSENBOOM mais ce dont je suis certain c’est que la fille MICHAUX dévoila l’origine des documents, provoqua l’arrestation de ROSENBOOM et la mienne ensuite.

Lors de mon arrestation qui, je l’affirme, n’est due qu’à la dénonciation et la lâcheté de Mademoiselle MICHAUX, j’ai déclaré ne point connaître l’allemand quoique parfaitement au courant de cette langue, et les questions et conciliabules entre policiers allemands surprises par moi, m’ont permis de constater que ROSENBOOM n’a dénoncé, ni chargé personne et que son attitude était des plus louables.

Pendant le procès, ROSENBOOM n’a pas cessé de conserver son attitude patriotique et il en a été de même pendant toute sa détention en Allemagne.

Je ne puis terminer sans renseigner un détail quant à la valeur du travail fourni par ROSENBOOM.

L’expert du Conseil de Guerre allemand, un Major du Génie, Directeur des travaux de fortification à Liège, interrogé, vint révéler au Conseil de Guerre que les plans saisis étaient à peu de chose près la reproduction exacte de ses propres plans établis pour l’exécution des travaux relevés par nous.

Je n’insiste pas sur les considérations et avis de cet officier et sur l’effet que produirent sur le Conseil de Guerre de telles conclusions.

ROSENBOOM et moi, nous avions compris qu’il était inutile de nier des faits prouvés et n’avons eu qu’un seul but : localiser l’affaire afin que la majorité du service resté en activité puisse continuer sans être inquiété. La seule manière d’arriver à cette fin était d’endosser tout et faire preuve non seulement de courage mais d’abnégation et de sang-froid.

Je reconnais et tiens à rendre cet hommage à M. ROSENBOOM qu’il a très bien compris notre tâche et qu’il m’a fortement aidé à sauver le service même en faisant le sacrifice de sa vie puisque nous fûmes tous deux condamnés à la peine de mort et graciés huit jours plus tard.

J’ajoute qu’à ce moment, M. ROSENBOOM était marié et père de trois enfants et qu’il n’a jamais touché aucune rémunération pour le travail fourni, ni ses dépenses.

Je puis dire en toute conscience que M. ROSENBOOM a fait preuve de patriotisme et d’un désintéressement des plus complets.

Avis à télécharger ci-après.

Médaille de guerre 14-18