Un art déco tout en couleurs : Les verreries Schneider
Un duo talentueux : les frères Ernest (1877-1937) et Charles (1881-1953) Schneider
Débuts prometteurs chez Daum, à Nancy
C’est dans la période foisonnante de l’Art nouveau que Charles forge son talent : il suit les cours à l’Académie des Beaux-Arts tout en travaillant, dès 1902, pour la manufacture Daum. L’épanouissement à la fois économique et artistique de cette verrerie coïncide aussi à la présence des frères Schneider. Charles y conçoit des projets de vases tandis qu’Ernest y occupe un poste de gestionnaire. Un changement de direction chez Daum provoque un essaimage de nombreux employés, Ernest est remercié en 1911 avec une substantielle indemnité, Charles s’en va aussi.
Une entreprise familiale : la Verrerie Schneider, en région parisienne.
Propriétaires depuis 1913 d’une verrerie à Épinay-sur-Seine, les Schneider ruinés par la guerre bénéficient d’un financement étranger pour relancer leur production artistique. En 1923, soutenus par la famille, les frères parviennent à reprendre le contrôle de leur société. La qualité de fin gestionnaire d’Ernest doublée du talent de Charles assure la réussite d’une production originale. L’entreprise se modernise et surtout embauche de nouveaux praticiens.
Afin de couvrir les marchés français et étrangers, une sous-marque est déposée en 1918 : « Le verre français Charder » (contraction de CHARles SchneiDER). Cette nouvelle gamme visant un large public propose des pièces moins onéreuses vendues dans les Grands Magasins.
Une participation remarquée à l’Exposition des arts décoratifs modernes et industriels (Paris, 1925) conforte la renommée des Schneider. Si l’apogée de l’entreprise s’épanouit aux Années folles, la décennie suivante marquée par le crash économique de 1929 voit décliner la firme jusqu’à sa faillite en 1938. Détruite pendant la Seconde Guerre, l’usine est reconstruite en 1946, à moindre échelle, sous le nom de Cristallerie Schneider. Les heures de gloire sont passées et en 1981, faute de repreneur, la maison Schneider ferme ses portes.
Une production française atypique.
D’inspiration vénitienne car posées sur une jambe dotée de discrets filigranes, de délicates coupes aux coloris éclatants apparaissent à la marge de l’Art déco français qui prône une ligne épurée et une réduction de la couleur. Or c’est précisément cette production d’œuvres chatoyantes à pied de couleur foncée qui contribue à assurer le succès de la jeune entreprise. Sa collaboration avec des ingénieurs-chimistes est à la source d’une incroyable palette de couleurs, dont le fameux « tango », un vermillon orangé flamboyant. Tel un peintre fauve, Charles joue principalement sur les contrastes et la complémentarité des couleurs. Il privilégie le travail à chaud caractérisé par le poudrage d’oxydes intercalés entre des couches de verre incolore, dotant le verre refroidi d’un mouchetage qui évoque parfois le jade ou le marbre. Il exploite aussi la matière à des fins ornementales : l‘inclusion de bulles d’air au sein d’un verre épais offre une effervescence aléatoire, ludique et lumineuse.
Après l’Expo de 1925, un tournant s’amorce chez Schneider : la recherche de simplicité mène à la réduction ou à l’absence de la polychromie au profit du verre monochrome, teinté dans la masse et gravé à l’acide de motifs géométriques. Cette tendance est à son sommet à la fin des années 1920, tant pour des questions de mode que pour des raisons économiques. Le façonnage de pièces massives subtilement colorées, ornées d’importantes applications à chaud (bourrelets, godrons, cabochons…) caractérise les années ‘30.
Les noms des différentes séries de pièces évoquent leur style ou leurs décors. Par exemple, Jades ou Marbrines pour leur proximité minérale, Rustiques ou Écailles pour l’effet brut des vases à bullage, Côtes, Z selon les décors des pièces gravées à l’acide ou Cabochons, Godrons pour les pièces dotées de robustes applications à chaud. Cette énumération n’est pas exhaustive. Une partie de la Collection du Grand Curtius a guidé la sélection.
Plaisir des yeux au Musée.
Vase à anses, v. 1920, verre soufflé et moucheté, H : 41 cm. N° inv. : 59/96
Vase Jades, v. 1925, verre soufflé et moucheté, H : 55,5 cm. N° inv. : 58/284
Coupe, 1918-1928, verre soufflé, moucheté et satiné, signée Schneider, H : 28 cm. N° inv. : 64/51
Vase Écailles, 1925-30, verre soufflé et bullé, signé Schneider, H : 39 cm. N° inv. : 59/60
Vase, 1923-1926, verre soufflé et gravé à l’acide, H : 21,5 cm, signé Charder. N° inv. : 74/30
Vase Z, 1928-1930, verre soufflé et gravé à l’acide, signé Schneider, H : 24,6 cm. N° inv. : 59/54
Pour aller plus loin…
Edith MANNONI, Schneider, [1992], Paris, éd. Massin.
Charles Schneider maître verrier. Verreries Schneider France, de 1913 à 1940, catalogue d’exposition, Le Louvre des Antiquaires, Paris, 1984.
Helmut RICKE, Schneider France. Glas des Art Deco, Hanovre, 1981 (catalogue d’exposition itinérante de 1981 à 1983, Düsseldorf, Hannover, Coburg).
Isabelle Verhoeven
Conservatrice
Département du verre du Grand Curtius
Emplacement de l'objet
Les verres sont actuellement visibles dans la vitrine de l'objet du mois. Hall d'entrée du musée Grand Curtius à Liège.
Légendes visuels
Les verreries Schneider - Grand Curtius.
Copyright Ville de Liège - Grand Curtius.