Le gisement Paléolithique moyen de Sainte-Walburge (Liège)
C’est dans le faubourg de Sainte-Walburge qu’ont été découvertes les traces d’occupation humaine les plus anciennes du territoire communal liégeois.
Le 23 septembre 1911, le géologue et préhistorien français Victor Commont (1866-1918), connu pour ses recherches méthodiques sur les dépôts quaternaires de la vallée de la Somme, découvrait dans ce quartier implanté sur les hauteurs de Liège, au nord de la ville, une vaste station de plein air dont les limites n’ont pu être établies de manière précise.
Venu aux alentours de Liège « afin d’étudier la nature du limon hesbayen », il découvrait dans la sablière exploitée par la société Veuve L. Dupont et A. Ghaye (fig. 1 et 2), entre les rues Bontemps, Vieille-voie de Tongres et Jean de Wilde, des silex taillés à patine blanche, de facture moustérienne .
En date du 1er novembre 1911, l’archéologue Marcel de Puydt (1855-1940), à qui V. Commont avait fait part de sa découverte, mit au jour en ce même lieu, à la base du limon hesbayen, un niveau de silex taillés de même facture, appartenant au Moustérien de Tradition Acheuléenne , comme l’atteste la présence de bifaces provenant du cailloutis inférieur (fig. 3).
À cette époque, près des trois-quarts de la superficie de la carrière avaient déjà été exploités, ayant irrémédiablement détruit les niveaux d’occupations archéologiques. Des photographies d’époque (fig. 4) montrent qu’à l’ouest de l’exploitation, les limons qui atteignaient par endroits plus de huit mètres de hauteur étaient visibles sur plus de 70 mètres de long.
Dans la carrière de sable dite du Château de Xhovémont exploitée par la même firme, Marcel De Puydt découvrait en février, mars et avril 1912, des artefacts en silex de même nature que ceux découverts quelques mois plus tôt. De toute évidence, il s’agissait du même gisement qui s’étendait en direction d’Ans et de Rocourt (banlieue liégeoise), comme le confirment quelques découvertes fortuites d’artefacts.
Le gisement de Sainte-Walburge est un des rares sites du Nord-Ouest européen à dater de l’interglaciaire Eemien (110 000 ans avant notre ère). Il a livré une industrie lithique composée de nombreux produits de débitage (essentiellement des déchets de taille) et caractérisée par la rareté de l’outillage.
Deux méthodes de débitage ont été mises en évidence. À côté du débitage Levallois classique qui prédomine, existe une nette tendance au débitage laminaire. Cette méthode de débitage qui apparaît dans la phase récente du Paléolithique moyen et qui sera employée de manière systématique durant le Paléolithique supérieur, consistait à produire des lames servant de support à des outils variés.
-----
(1) Le Moustérien est la principale culture du Paléolithique moyen (300.000 – 30.000 B.P.). Ce terme que l’on doit à l’archéologue G. de Mortillet, fut donné à l’industrie lithique mise au jour dans l’abri sous roche du Moustier (Dordogne, France).
(2) Faciès culturel du Paléolithique moyen caractérisé par la présence de bifaces, de denticulés et de couteaux à dos. Il doit son nom au quartier de Saint-Acheul, situé à l’est d’Amiens (Somme, France).
(3) Technique de production d’éclats de formes identiques (prédéterminées) qui doit son nom au site éponyme de Levallois-Perret, en région parisienne.
Jean-Luc Schütz,
Conservateur du département d’Archéologie