Un dessinateur talentueux au service du Val Saint-Lambert
Albert Deleersnyder a suivi les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Liège et intègre le bureau des créations du Val Saint-Lambert de 1966 à 1969. Son style original est reconnaissable par les silhouettes élancées de ses personnages. Ceux-ci sont puisés dans le répertoire de la littérature, de l’histoire et de la mythologie : Le Petit Prince de Saint-Exupéry, Tristan et Yseult, Don Quichotte, Thyl Ulenspiegel, Guillaume Tell, Faust...
La scène du balcon de « Roméo et Juliette », gravée toute en finesse à la surface du vase « Trenton », est empreinte d’un certain maniérisme (allongement des personnages). Les deux hautes verrières en arc brisé donnent un caractère sacré à la scène, tandis que les branches de lierre stylisées servent d’éléments décoratifs pour combler l’espace à la droite de Roméo. Celui-ci, représenté à la hauteur du balcon, la main de Juliette effleurant la sienne, semble en état d’apesanteur.
Paraissant insensible à l’absence de gravité, c’est un énigmatique astronaute qui décore le modèle de vase en cristal dénommé « Fabre ». Le dessin est intitulé « Conquête de la lune ». Tel un personnage issu d’une bande dessinée de science-fiction, l’ange casqué se promène tranquillement sur un rocher symbolisant le sol lunaire.
Dans le dessin ci-contre, « Jeanne d’Arc devant ses juges », l’artiste utilise un style encore plus dépouillé. La Pucelle d’Orléans, placée au premier plan au centre de la composition, est représentée par une silhouette démesurée, svelte et imposante. Elle ne semble pas solidement attachée à un poteau à peine plus large que son cou démesuré ; la longue tunique aux pans retombant sur deux grandes bûches ramifiées suggérant le bûcher. Les quatre personnages à l’arrière-plan sont représentés trois fois plus petits que l’héroïne. Ils font figure de mannequins, surtout les deux juges ecclésiastiques esquissés par quelques traits. Même si aucun trait du visage ne semble visible, Jeanne d’Arc fait forte impression par l’aspect théâtral de la composition, une mise en scène satirique de ce procès d’intention.
C’est le talentueux maître-graveur Louis Barthélemy, engagé au Val Saint-Lambert en 1941 à l’âge de 17 ans, qui a cristallisé par la gravure à la roue la majorité des dessins de Deleersnyder. Les noms des deux artistes sont gravés sur le fond des vases.
Jean-Paul Philippart,
Conservateur du département du Verre