Le pistolet semi-automatique Browning-FN modèle 1910
Une arme apolitique
Le pistolet semi-automatique Browning-FN modèle 1910
Cette arme de conception américaine est produite sous licence par la FN Herstal de 1912 à 1978 et utilisée dans des rôles de police ou de guerre au niveau mondial. Deux calibres ont existé : le calibre 9 mm et le 7,65 mm. Sur le plan technique, il s’agit d’un pistolet simple action à percuteur lancé et culasse non-calée. Une originalité est à noter : le système double de sécurité constitué d’un cran de sûreté classique et d’une pédale à l’arrière de la crosse à enfoncer pour pouvoir déclencher le tir. Double sécurité appréciable lorsqu’on considère que cette arme est un
pistolet de poche, et la proximité d’organes plus que vitaux derrière celle-ci. Or, si cette arme fut toujours largement appréciée pour sa fiabilité et sa précision, elle est restée célèbre surtout pour un ou deux usages ponctuels.
En effet, c’est cette arme qu’utilise l’anarchiste serbe Gavrilo Princip pour abattre l’Archiduc Franz-Ferdinand et la Princesse Sophie lors de l’attentat de Sarajevo du 28 juin 1914, déclenchant de ce fait le mécanisme international menant à la Première Guerre Mondiale. Pour cette raison cette arme est dès lors régulièrement surnommée l’arme à 38 millions de morts, ce qui est beaucoup pour un six coups. Le choix de Princip également heureux en raison de la grande fiabilité du Browning, qui effectivement s’enraye très difficilement en plus d’être précis. Deux coups
sont tirés et deux coups suffisent.
Le pistolet en question, de calibre 7,65 mm, est ensuite conservé par Anton Puntingam, prêtre jésuite de son état. C’est lui qui a remis les derniers sacrements au couple princier après l’attentat. Il confie plus tard l’arme à son Ordre, qui le remet à son tour au Musée Militaire de Vienne, à l’occasion du 90e anniversaire de l’attentat. Il y est toujours, même si d’aucuns contestent son authenticité. Ce pistolet n’en reste néanmoins pas là car le même modèle est utilisé lors de l’assassinat du Président français Paul Doumer le 6 mai 1932 à Paris par Pavel Gorgulov, un militant d’extrême-droite russe, reprochant à la France son abandon de la Russie au bénéfice des Bolcheviks.
S’il en était encore besoin, voici une nouvelle preuve qu’une arme est apolitique. Elle peut aussi bien occire la monarchie au service d’une idéologie d’extrême gauche que dessouder la République au service d’une idéologie fascisante. Et si les armes peuvent occire les récipiendaires de certains idéaux, aucune n’a jamais suffi à anéantir ces derniers.
Loïc Servais
Conservateur du département des armes, Grand Curtius