Une pendule et sa niche en bois de Spa : le savoir-faire liégeois des rouages jusqu’aux décors
Joannes Stratman, cartel d’alcôve à sonnerie sur demande, début du 18e siècle. Etain, laiton et laque spadoise sur bois de Spa. 46 x 25,3 x 16,2 cm. N° inv. I/41/155. [Liège, Musée Grand Curtius].
L’objet du mois de janvier 2022 est une horloge issue des objets anciennement exposés au Musée d’Ansembourg. Si ce dernier est actuellement fermé pour cause de travaux, les collections qu’il contenait ont, elles, été transférées dans les réserves pour garantir leur préservation. Cette pièce en est exceptionnellement sortie et révélée ici.
Au 18e siècle, la principauté de Liège, non contente de compter en son sein un nombre impressionnant d’horlogers (entre 300 et 500), voit aussi certains de ces maîtres acquérir une renommée internationale. Tant et si bien que dans certains domaines de l’horlogerie, comme la pendulerie, Liège devient une ville incontournable en Belgique.
L’horloge présentée est d’ailleurs une pendule, et plus spécifiquement un cartel d’alcôve avec sonnerie à la demande, réalisée par un certain Joannes Stratman à Malmédy. Placée près du lit, son but était, grâce à un ingénieux mécanisme, de permettre à son possesseur de connaître l’heure : il lui suffisait pour cela de tirer sur les cordons de part et d’autre de l’objet et résonnaient alors les coups de la dernière heure ou du dernier quart d’heure passé. Une invention bien pratique quand on ne voulait pas quitter la chaleur de ses draps, mais dont la sonnerie risquait toutefois de réveiller davantage que l’instigateur du mouvement et de créer ainsi quelques tensions dès le saut du lit. Ce qui n’est pas, nous l’accordons, la meilleure façon de commencer la journée.
Si le mécanisme de l’horloge s’inscrit dans la tradition liégeoise, c’est aussi le cas de la niche qui l’abrite puisqu’elle est réalisée dans le « bois de Spa », matière dans laquelle seront confectionnés tous les objets décorés à destination des touristes de la ville et qui feront sa renommée pendant presque quatre siècles.
Ces Jolités de Spa sont ornées de différentes manières à travers le temps mais à cette époque, c’est la technique de la laque qui a le vent en poupe. A la fin du 17e siècle, les laques du Moyen-Orient apparaissent dans les grandes collections européennes et fascinent bon nombre de personnes, dont les artistes spadois. La laque naturelle étant extraite d’un arbre poussant dans ces régions éloignées, impossible pour eux d’y avoir accès. Ils décident donc de tenter d’imiter cette matière et y parviennent avec succès. Cette « laque spadoise » était bien souvent agrémentée, au début du 18e siècle, de décors dorés ou argentés relevés en bosse, imitant ceux des objets en laque chinois avec plus ou moins de succès. C’est ce qu’on appellera des
chinoiseries, des « interprétations créatives de certaines figures et formes du goût chinois par les artistes européens ».
Ces laques sont essentiels dans la production spadoise puisqu’ils pousseront les artistes, par la suite, à développer un vernis de grande qualité qu’ils appliqueront systématiquement en plusieurs couches sur leurs créations et qui fera leur renommé au-delà de nos frontières.
Beaufays Anne-Sophie, stagiaire au Département des arts décoratifs – Musée Grand Curtius
Légendes visuels
Détail de la pendule. Copyright Ville de Liège - Grand Curtius