Paire de pistolets à silex, cal. 14 mm Par Nicolas-Noël BOUTET, Versailles, 1800-1805

Ces armes d’une facture remarquablement soignée sont issus des ateliers de la Manufacture d’armes de Versailles, que dirigeait depuis ses origines le célèbre arquebusier Nicolas-Noël Boutet (1761 – 1833). Ils correspondent aux modèles fabriqués pour les officiers du Consulat et de l’Empire.

Les canons octogonaux, en fer bronzé noir, sont équipés de rayures à cheveux. Les motifs géométriques, végétaux et floraux incrustés en or à la culasse et au tonnerre encadrent quatre poinçons dorés dont l’identification est en partie incertaine (1). Les pans latéraux portent en toutes lettres la signature « Boutet Directeur Artiste » et « Manufacture à Versailles » ; signature que l’on retrouve sur les platines polies. Sous les canons, poinçon de Daniel BOUISSAVY, contrôleur à la manufacture jusqu’en 1805-1806, ainsi que le nom « Gosset » grossièrement gravé. Gosset était un des assistants de Boutet. La lumière est garnie d’un bouchon en or.

Les platines portent tous les raffinements et perfectionnements habituels pour l’époque sur les armes de qualité : bassinet garni d’or, ressort de batterie à galet, mâchoires de chien formant un angle aigu avec le col du chien. 

Les garnitures sont en fer poli et gravé. Le répertoire décoratif des parties métalliques fait appel aux motifs néo-classiques : acanthes, fleurons, fruits, fleurs et végétaux en chutes ou en guirlandes, urnes, motifs en aile de chauve-souris.

La monture à long fût se distingue par une crosse formant un angle droit avec l’axe du canon, forme caractéristique qui est une invention de Boutet. La poignée est quadrillée.

La Manufacture d’armes de Versailles trouve ses origines dans la période révolutionnaire : en 1793, on créa dans la ville royale un Atelier de réparation d’armes dont Boutet était déjà inspecteur des travaux. L’atelier devient Manufacture en 1794 et est chargé de la fabrication d’armes d’ordonnance mais aussi de luxe ; cette activité en deux volets se poursuit jusqu’en 1814. En 1800, la Manufacture de Versailles est confiée à Boutet pour 18 ans sous le régime de l’entreprise. Les difficultés financières seront permanentes et l’entreprise ferme ses portes le 22 septembre 1818. Notons encore que, très tôt, Boutet recruta dans la région liégeoise des ouvriers armuriers pour sa manufacture.

Bien que la Manufacture d’armes de Versailles ait produit quantité d’armes d’ordonnance, on ne retient généralement de son activité que les armes de luxe fabriquée sous la conduite de son « Directeur-Artiste ». Nicolas-Noël Boutet était fils d’arquebusier et le beau-fils de Pierre Desainte, « Arquebusier du Roi », qui lui céda son titre. Titre qu’il reprendra après la chute de l’Empire et son installation à Paris. Mais Boutet a alors perdu son lustre d’antan et se débat dans les difficultés financières. En 1830, il essayera en vain de faire rouvrir la manufacture à Versailles.

Les armes réalisées sous la direction de Boutet se distinguent par une qualité de finition sans égal, qui fait de ces pièces des œuvres d’art plus que des instruments de mort. Boutet par ailleurs a su adapter avec imagination le répertoire décoratif de son temps, au goût souvent ostentatoire (2).

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(1) Le poinçon NB, sous deux formes différentes, correspond vraisemblablement à Nicolas Boutet ; l’identification des deux autres est discutée : il pourrait s’agir du  canonnier et d’un contrôleur .
(2) Bibliographie : La Manufacture d’armes de Versailles et Nicolas-Noël Boutet, Versailles, Musée Lambinet, 1993.

Philippe Joris,
Conservateur du département des Armes