L’Officier de Fortune. Le manuscrit oublié d’André Ernest Modeste Grétry (1741-1813)
L’Officier de Fortune. Le manuscrit oublié d’André Ernest Modeste Grétry (1741-1813)
1790
Drame lyrique en prose et en 3 actes
Livret d’Edmond Guillaume François de Favières (1755-1837)
69 feuilles signées et numérotées
31x23cm
Le manuscrit a été restauré grâce au Fond David-Constant.
André Ernest Modeste Grétry est un compositeur liégeois réputé pour ses opéras comiques (alternance de scènes chantées et parlées). Formé en Italie, il compose son premier opéra en 1766, à l’âge de 25 ans, à Genève, où il fréquente Voltaire. Durant la seconde moitié du 18e siècle, il est le maître du genre en France. Marie-Antoinette le nomme Directeur de la musique et après la Révolution, il est le protégé de Napoléon. Membre de l’Institut de France dès 1795, il termine sa vie à Montmorency dans l’ancienne propriété de Jean-Jacques Rousseau. Il est enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris. Son cœur sera rapatrié à Liège en 1842 et placé dans une urne, dans le socle de la statue en bronze érigée devant l’Opéra Royal de Wallonie.
Le manuscrit de L’Officier de Fortune, rédigé de la main même du compositeur, dormait dans une grande bibliothèque en chêne au 2 e étage du Musée Grétry, chassé au fond d’un tiroir dont la clé avait disparu. Il avait été délaissé par tous ceux qui avait croisé, un jour ou l’autre, son existence. Il était dormant et oublié. Ce manuscrit comporte 69 feuilles signées toutes numérotées et en parfait état de conservation. Il a été exhumé en 2011 et présenté pour la première fois le 20 octobre 2012 à l’Opéra Royal de Liège. L’œuvre, bien que répertoriée, n’avait jamais été ni jouée ni éditée. Personne ne s’était jusqu’alors intéressé à la musique de cet opéra-comique.
L’opéra, commandé par la Comédie italienne de Paris en 1790, était pourtant connu. Il n’a jamais été joué car, deux ans après sa création, la France est en guerre contre l’Autriche. Or, le livret raconte la victoire de l’amour sur le devoir militaire. En 1792, il est alors impossible de représenter un opéra dont les personnages, aux noms allemands, auraient servi une armée devenue l’ennemie de la France.
Le musée Grétry, implanté dans la demeure natale du compositeur 34 rue des Récollets à Liège, est inauguré en 2013 après d’important travaux de rénovation. L’immeuble abrite la collection constituée par Jean-Théodore Radoux (1835-1911) qui rassemble des souvenirs du compositeur liégeois. Le directeur du Conservatoire royal de Liège s’implique dès 1882 à la fondation du musée. La collection rassemble un riche fonds iconographique et bibliographique autour d’André Ernest Modeste Grétry. Des expositions, des concerts et des conférences y sont régulièrement organisés.
Quand on découvre un manuscrit musical inédit de Grétry, on ne découvre pas une énigme : on accède à un langage connu et identifié. Mais une « redite » de style détient parfois une part d’originalité qu’il faut identifier. Comment formuler commentaires et critiques alors que les notes sont inertes sur le papier depuis 220 ans ? Pourquoi cet oubli ?
Dans ce type de travail, les idées préconçues s’effacent. On découvre des points d’originalité, qui ont conduit le compositeur à être différent de ses contemporains. Les indices résident souvent dans des détails que seule l’oreille peut finalement juger.
Notre époque, caractérisée par la forte médiatisation de l’instantané, permet paradoxalement d’offrir aux artistes disparus une seconde chance.
Patrick Dheur Conservateur du Musée Grétry
Visuel : Extrait du manuscrit 'L'Officier de Fortune' d’André Ernest Modeste Grétry (1741-1813) - Copyright Ville de Liège - Grand Curtius